« Les mots « gourou » et « influence » je ne les aime pas ! » Michel Bettane défend le modèle du journaliste du vin

Le modèle du journaliste défenseur du consommateur contre celui du gourou

« Les mots « gourou » et « influence » je ne les aime pas » affirmait Michel Bettane le 11 janvier 2013 lors des rendez-vous Diam à Bordeaux sur le thème des nouveaux influenceurs dans le monde du vin : « je reconnais qu’ils ont plus d’importance aujourd’hui que quand j’ai commencé à être journaliste et je l’interprète comme un échec de ma génération de journalistes. En France quand j’ai commencé à être journaliste, je l’ai été dans l’esprit qui était celui de la tradition et de la culture française. C’est à dire une interface entre les producteurs d’un côté et les consommateurs de l’autre. Raymond Baudoin qui avait créé la Revue du Vin de France avait donné un sous titre extraordinaire dès les années trente à cette Revue : « défense de la qualité – défense du consommateur ».

Le journaliste, interface entre le producteur et le consommateur

« Une interface, c’est aller chercher l’information là où elle est, dans le vignoble avec les producteurs. Cette information, c’est à la fois un contenu de choses réelles, de faits, la façon dont les gens travaillent, et également des jugements de valeur portés sur leurs produits. Ces jugements pouvant aboutir d’ailleurs à une hiérarchisation par des notes ou par des classements et cette hiérarchisation se terminant dans des guides. »

Le public a besoin de gourou parce qu’il a la flemme d’utiliser intelligemment  les outils qu’on lui donne

« Et tout ceci n’avait de sens que dans l’idée qu’on informait le public, qu’on lui donnait des outils à partir desquels il ferait son propre choix et pas de lui dire « tu fais ceci, tu fais cela ». Or malheureusement l’apparition d’une nouvelle génération de consommateurs fait qu’en fait l’influence est plutôt liée à la faiblesse du public qu’à la force des critiques. C’est à dire le public a besoin de gourou, il a besoin qu’on le guide parce qu’il s’estime incapable, ou parce qu’il a la paresse, la flemme d’utiliser intelligemment  les outils qu’on lui donne. »

Avec internet, la critique devient une fragmentation de communautés

« Et cela se développe évidemment de plus en plus : plus on avance, plus on voit que le public veut à la fois écouter et en même temps se méfie de ceux qui lui donnent des avis. Il se méfie de la presse, « tous corrompus, tous vendus » (…) Alors on ne croit plus que ceux qui ne sont pas corrompus, c’est à dire le consommateur lui-même par l’intermédiaire d’internet, des réseaux sociaux. Et on crée une forme alternative de jugement et de critique mais cette forme prend des allures communautaires, c’est à dire ce n’est plus un ensemble, c’est une fragmentation de communautés où ce sont tous des copains qui ont tous le même goût, s’entre admirent entre eux et le public n’est pas plus informé pour autant qu’avant. La multiplication de l’information, la surinformation, surtout quand elle n’est pas informé car la plupart de ces gens là ne font le travail d’information et d’enquête qu’un journaliste professionnel fait, rend l’information sur le vin plus compliquée. »

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La suite de la vidéo ici : http://youtu.be/00kh5yPOXkY

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