Il faut investir dans la jeunesse selon le publicitaire John Hegarty pour sauver le monde du vin du déclin

Campagne publicitaire pour Johnny Walker réalisée par l’agence de John Hegarty

Un publicitaire chez les Master of Wine 

« Le célèbre publicitaire Sir John Hegarty, dont la créativité a été couronnée, tout au long de ses 45 ans de carrière, par de nombreux prix, est un « influenceur » par excellence. Il a fondé en 1982 l’agence de publicité Bartle Bogle Hegarty, dont il est le directeur mondial de la création. Il est à l’origine de campagnes parmi les plus emblématiques et les plus célèbres au monde, et a été fait chevalier par la reine Elisabeth en 2007 pour ses services rendus à l’industrie. Propriétaire d’un vignoble dans le Languedoc depuis 2002, Sir John produit au Domaine de Chamans, avec sa compagne Philippa Crane, un vin qu’ils commercialisent sous l’étiquette Hegarty Chamans. » Il est intervenu en juin 2010 au Master of Wine Symposium à Bordeaux pour faire « une analyse particulièrement perspicace de la façon dont le secteur du vin est perçu par le « monde extérieur ». Le message fondamental qu’il souhaite transmettre au monde viticole est le suivant : moins de mystère et toujours plus de magie. » ( source : site des Master of Wine )

Intervention de John Hegarty invité par Jancis Robinson MW en juin 2010 (doublage en fr)

Les vins du nouveau monde ont démocratisé le côté séducteur du vin

« C’est un marché qui fait presque de son mieux pour engendrer la confusion chez le consommateur. C’est vrai beaucoup plus dans le vieux monde que dans le nouveau monde. On pourrait dire qu’une partie de la réussite des vins du nouveau monde, ce n’est pas seulement une question de qualité mais une question d’accessibilité. Dans une certaine mesure, les vins du nouveau monde ont démocratisé le côté séducteur du vin. »

Moins de mystère et toujours plus de magie

« Perdons le mystère mais gardons la magie ! Quand j’ai récemment suggéré à un acheteur en vin que les étiquettes de vin du vieux monde engendraient la confusion, qu’il fallait les simplifier parce qu’on n’avait pas d’informations utiles dessus, sa réaction a été vraiment ce dédain du vieux monde en disant qu’il faut conserver le mystère, que le mystère est important. Moi j’ai répondu que pas du tout, que le mystère garde les gens éloignés et en fait qu’il réduit les chances d’inclure les gens. Il vaut mieux renforcer la magie mais perdre le mystère. »

Nous comprenons tous la magie du vin

« C’est un produit qui fait d’un repas ordinaire une occasion, qui facilite la conversation, qui embellit les amitiés. De façon magique, le fruit devient un liquide qui engage, qui renforce, qui célèbre notre côté ingénieux et les cadeaux de la nature. Ça transforme nos paysages, ça nous civilise comme quasiment aucun autre produit. La réussite du vin en tant que catégorie de produit ne peut pas être mise en question. Le désir de comprendre et de faire des expériences est quasiment sans limite. Si on regarde Amazon et si on regarde le nombre de livres qui parlent du vin qu’on peut acheter c’est fabuleux. Mais je pense que c’est un processus par réaction. Ce n’est pas l’industrie du vin qui a elle même une démarche proactive et c’est limité à un groupe élite d’acheteurs. la majorité des buveurs de vin se sentent exclus des échelons les plus élevés du marché. Comme je le dis, l’accès c’est la clé pour l’expansion d’un marché. »

Les réseaux sociaux, les blogs, Twitter ont ouvert plein d’opportunités

« La question pour l’industrie du vin, c’est comment faire pour démystifier cette décision d’achat et comment il faut faire pour accompagner la compréhension. (…) Beaucoup de consommateurs vous diront : « donnez moi des informations car ça m’aide à prendre ma décision. » (…) Les réseaux sociaux, les blogs, Twitter ont ouvert plein d’opportunités pour que les gens qui ont essayé votre produit deviennent ses plus grands apôtres mais seulement si vous avez quelque chose d’intéressant à dire. Dites ce qui est différent chez vous. Twitter, Facebook etc, c’est magnifique mais seulement si vous engagez votre public d’une façon intéressante, d’une façon stimulante. »

Quand quelqu’un parle d’investir dans les seniors, oubliez le ! Il faut investir dans la jeunesse ! 

« Nous sommes une industrie qui a perdu le contrôle du débat. Nous avons été malmenés par les détaillants, par les réglementations sans cesse plus complexes des Etats. Les forces du marché vont naturellement corriger une partie de cela mais malheureusement un certain nombre de producteurs vont faire faillite. (…) Nous pourrions faire grandir le marché. (…) On doit attirer un public plus jeune car si on ne parvient pas à le faire on sera en déclin. Dans tout marché on investit dans son avenir. Quand quelqu’un vous parle d’investir dans les marchés grisonnants, dans les seniors, oubliez le ! Il faut investir dans la jeunesse ! C’est la jeunesse l’avenir, que ça vous plaise ou non ! La technologie est là pour aider les producteurs, pour leur permettre d’avoir une relation plus intime avec leur public. »

Le vin a besoin d’une idée forte, d’une idée qui engage les gens

« Le Champagne est devenu un phénomène mondial en s’associant avec le plaisir, le plaisir de la fête. Le Champagne a établi une marque mondiale sur la base du produit d’une seule région avec la création, l’innovation et c’est devenu un objectif pour les gens. Dans le vin, il n’y a pas de force motrice qui détermine les achats. (…) Le vin doit se différencier pour la qualité, le plaisir…Ce sont des notions qui doivent permettre au vin de jouer un rôle plus important dans notre vie, c’est un luxe mais qui a un but (…) Le vin contribue à améliorer les arômes des aliments mais il ajoute aussi de la saveur à notre vie et à nos amitiés. (…) Bien évidemment, il faut encourager la responsabilité, faire en sorte que le public consomme moins mais mieux, la qualité contribue et améliore notre vie dans tous les domaines. »

Commentaires

  1. Je trouve aussi le vin français trop compliqué (ouch). On a l’impression qu’il faut savoir décoder, comprendre, avoir été initié(e) et on en oublie tout simplement le plaisir. Les vins étrangers sont beaucoup plus décomplexés. J’espère que la jeune génération (et la moins jeune) sauront moderniser l’image de nos vins, cela me semble plus que nécessaire.

  2. Jean-Christophe dit:

    @Anne: je ne suis pas forcément d’accord avec vous lorsque vous dites que le vin français est trop compliqué. Donc je comprends « trop compliqué pour être accessible à tous ». Lorsque vous regardez un tableau, vous ètes en mesure de dire « j’aime » ou « je n’aime pas » et pourtant vous n’avez pas fait d’étude d’art. Lorsque vous sentez une fleur, vous ètes capable de dire « j’aime » ou « j’aime pas » sans être un nez reconnu de la profession des parfumeurs, et tout ça pour plein de choses. Alors, pourquoi, lorsque vous goûtez un vin vous voulez absolument rentrer dans une analyse technique du pourquoi et du comment. Lorsque je goûte avec des amis, je ne leur demande pas de me faire une analyse et de me remplir une fiche de dégustation, mais juste de me dire « j’aime » ou « j’aime pas » et pourquoi? Maintenant, chacun est libre de se poser la question de pourquoi un Chardonnay du Chablisien est différent d’un Chardonnay du Mâconnais qui sont pourtant deux blancs chardonnay de Bourgogne? Donc, après, ce n’est pas être compliqué ou initié, c’est être curieux. Je vais chercher à savoir pourquoi je préfère l’un par rapport à l’autre. Le plaisir reste puisque j’aime, et de ce plaisir découle le reste!

  3. Anne dit:

    Jean Christophe : quand je goute un vin je sais très bien si je l aime ou pas ;) c est avant l achat que je trouve que les français compliquent la chose, ils ne facilitent Pas du tout la décision d’achat contrairement aux vins étrangers ; je trouve ça dommage surtout en habitant à bordeaux ;)

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