Hommage à un « roi fainéant » : « Ourasi, c’est la cuvée des outsiders, des hédonistes, des petits et des romantiques »

Je t’aime, Nazareth, Massai, Ourasi…

Je t’aime, Nazareth, Massai… Les bouteilles de David Large portent toutes un nom particulier. Dans cet entretien, le vigneron du Beaujolais raconte l’histoire qui se cache derrière sa dernière bouteille Ourasi. Dévoilée le 7 avril, jour anniversaire  de la naissance du cheval le plus connu de France, cette bouteille raconte une belle histoire : « depuis le début, je veux donner des noms qui ont du sens à mes cuvées. Choisir un nom que j’aime, qui raconte une histoire, mon histoire. Que les gens puissent se l’approprier. J’ai choisi Ourasi, car son histoire m’a beaucoup touché. Il est invaincu en 1986 ( mon année de naissance) et gagne son 1er prix d’Amérique, il a une marque sur le front ( j’ai la mienne sur la tempe), il a eu des débuts difficiles, il n’est pas attentif et est présenté comme l’inconnu et l’outsider complet… Distrait, gnaqueur et dormeur. »

De l’ombre à la lumière…

J’ai passé un week end dans son haras l’année dernière. Je l’ai trouvé très impressionnant. Je ne connais rien au monde du cheval, mais j’ai compris l’ampleur du phénomène quand j’ai rencontré des fans, Annie ( sa nounou) et en chinant des vidéos sur le net. Au haras les gens pleuraient de pouvoir l’approcher. Je me le suis un peu approprié comme des milliers de gens finalement. J’ai pu faire plein de connexions en peu de temps à travers ma démarche, ce cheval et tout ce qu’il représente. Il rassemble 30000 personnes amateurs, pro, parieurs, nouveaux convertis au sulky. Tout le monde veut le toucher, scande son nom. J’estime que le Beaujolais sait rassembler des gens de professions ou situations sociales différentes, c’est une appellation qui donne sa chance qui que tu sois même si tu n’es pas «le fils à machin», tu as une chance de passer.

Ourasi était un cheval surdoué et malin

Après avoir entrevu un bout de reportage sur lui, j’ai eu le déclic. J’ai envoyé un mail au Haras expliquant qui j’étais, pourquoi je demandais cela, ce que je faisais. Même si les propriétaires avaient refusé, j’avais décidé d’aller le voir. Après quelques jours d’échange et d’attente, Annie m’a annoncé que Mme Ostheimer m’autorisait le nom pour ma cuvée. J’ai d’ailleurs pu avoir l’exclusivité sur l’utilisation du nom. Je les remercie tous d’ailleurs pour m’avoir fait confiance.

J’ai fait ça juste avec le coeur

En plus ça m’a permis de partager avec mes parents et d’apprendre que mon grand père dressait les chevaux de trait pour la vigne. J’ai pu retrouver un vieux pote « Chopin» qui s’est installé sur Morgon, on a rediscuté, échangé nos bouteilles. Je redécouvre ma région tout entière. On m’a convié pour participer à «Cadole et Sens» dernièrement. C’est un évènement où les gens font un circuit pedestre pour découvrir la région beaujolaise, avec des étapes, de l’artisanal. Je me sens impliqué, je suis moins indiscipliné qu’avant, je viens juste de comprendre la chance d’avoir des vignes. On verra la suite.

Un « sarcophage » signé par l’artiste Bartholoméo

Pour Bartholoméo, c’est comme pour Ourasi. C’est un gars dont j’avais entendu parler et au lieu de faire ma concierge, je suis allé le voir. J’aime beaucoup ce qu’il fait, c’est un puriste. C’est un vrai artiste parce qu’il vit de sa peinture, qu’il y met ses tripes, il prend des risques. Il a la «bohème attitude». On parle de tout sauf de vin. J’ai appris plein de trucs à ses côtés aussi. Faire des boitiers de Magnum (je préfère dire sarcophage) me semblait une évidence. Il a accepté et je lui ai donné carte blanche. On est passé ensemble sur Arte et on a fait un épisode avec Minute papillon aussi. Pour l’habillage de mes étiquettes Cédric (Caverivière) a capté tout de suite ce que je voulais. On est vite devenu ami, j’aime bien son monde et ses créas. On a pas mal de références en commun, il a plein d’idées à la minute. Sa copine est graphiste aussi, du coup en soirée on parle de tout, sauf de vin.

Si tu as un don, cultive le, si tu n’en as pas, travaille dur

Ourasi c’est aussi un symbole pour dire aux gens de ne pas baisser les bras. Après tout si tu as un don, cultive le, si tu n’en as pas, travaille dur. J’espère que ça encouragera mes nièces à se former et s’imposer. Pareil si j’ai des enfants. Avant je leur aurais appris à boxer, aujourd’hui je leur dirai d’être des lions dans leur tête. Et puis si je deviens un vieux con, ils pourront lire cet article et y repenser. Ourasi, c’est aussi une victoire collective, j’ai eu l’aide précieuse de mes parents et malgré les épreuves, j’ai pu ramasser ma récolte avec mes amis !

Le 11 ème cru du Beaujolais comme on dit dans ma rue

Il y a eu pas mal de spéculations sur ma cuvée OURASI. J’ai pleins de souvenirs, de belles rencontres et je suis très content que les gens découvrent le 11 ème cru du Beaujolais comme on dit dans ma rue. Si en 2013 je capitule, j’aurai fait tout ce que je voulais de A à Z dans mes vinifs, mes choix, mes vins… C’est la liberté. Comme Ourasi finalement. Mais pour l’instant, le drapeau noir flotte toujours sur «Montmelas». J’écoute aussi beaucoup ma femme quand elle goûte mes vins. Elle a eu un coup de coeur pour un Monbazillac de chez Barouillet… Je me dois de le battre ! Ourasi va évoluer. J’ai pris conseil auprès de Paul Jacqueson et Laurent Habrard. Deux régions différentes mais le même goût de l’excellence. Ourasi c’est la cuvée des outsiders, des hédonistes, des petits et des romantiques.

Un grand merci à David Large, vigneron ET photographe talentueux : toutes les photos sont de lui. Vous pouvez le suivre sur son blog. Ourasi est décédé le 13 janvier dernier à l’âge canonique de 33 ans (l’équivalent de 100 ans pour un homme).